Obsession

PARTAGER CET ARTICLE ► 
|  Article suivant →
s’abonner
 

Enfin
des cadeaux intelligents !





   




< Trésor

Obsession

L’univers du chiffre pourchasse celui du symbole
PARTAGER ►

par Nicolas Romeas
Télécharger la version PDF  



La troisième guerre mondiale est commencée.
On peut le dire ainsi pour frapper les esprits.
Et il faut frapper les esprits puisque l’évidence peine à nous apparaître.
À émerger dans la pensée commune.
Dans nos sociétés qui ne se font plus aucune illusion sur elles-mêmes mais qui se croient encore un peu en paix, une guerre souterraine fait rage, dévastatrice, dont l’enjeu n’est autre que l’avenir de l’humanité en tant que telle. Partout, l’univers du chiffre pourchasse celui du symbole, y compris dans les derniers bastions retranchés de l’art. De l’art non commercial, encore possédé par sa flamme, porté par sa mission qui est l’invention de langages pour rencontrer l’autre.

Et tout porte à croire que sauf prise de conscience fulgurante, l’humain a peu de chances de sortir indemne de cette guerre.

Partout, on parle chiffres et on néglige la force de ce qui ne se compte pas mais se raconte, ne se monnaye pas mais s’échange. C’est ce que l’on apprend aux générations nouvelles, dans ces écoles d’« ingénierie » et de « management » culturel où l’on se forme à contrôler d’incontrôlables artistes en leur imposant le dogme de la gestion, en faisant prévaloir la loi du chiffre sur le symbole. Et dans le même temps on encourage la stupide et sinistre persécution des Rroms, boucs-émissaires faciles dont la culture tente d’échapper à l’emprise de nos formatages.

Certes, la prise de conscience avance dans de nombreux domaines, mais ici nous manquons de mots. On peut parler abondamment d’économie, de marchandisation, d’alimentation, d’écologie, d’injustices sociales, mais on ne peut évoquer la culture, parce que personne ne s’entend sur ce terme usé, épuisé, alluvionné chez nous de tant d’habitudes monarchiques et néocoloniales qu’il ne sait plus dire pour quoi nous nous battons. Alors nous parlerons du symbole, pour dire que nous sommes loin de toute évaluation quantitative et faire entendre que ce combat n’est ni corporatiste, ni élitiste, ni uniquement le nôtre, ni seulement relié au passé, mais touche à de nombreuses actions, qui ici, et ailleurs, cherchent à raconter le monde en portant l’idée d’un humain entier, non castré de son imaginaire, qui cherche à s’élever.

Le geste artistique n’est pas ce que l’on croit, pris que nous sommes dans le jeu de l’apparente utilité, de la valeur visible, et nous n’en percevons plus que l’ombre. Ce n’est pas une chose en plus, ce n’est pas un supplément d’âme, la production d’objets de valeur ou de spectacles intelligents, c’est le cœur même de toute civilisation. On le voit très nettement dans d’autres cultures qui n’ont pas encore perdu le lien au rêve, l’importance donnée à l’imaginaire, l’art est un protocole de construction de l’être, individuel autant que collectif, sur la base d’outils symboliques.

Nos politiques l’ignorent encore, ne veulent toujours pas le comprendre, ils comprendront trop tard. C’est peut-être un peu compliqué, étant donné l’état de la pensée commune, et l’on peut toujours continuer à prétendre que ces enjeux sont secondaires par rapport aux questions de niveau de vie, de besoins vitaux, mais on se trompe gravement. La désastreuse gestion de « Marseille capitale de la culture » qui dépense une fortune pour faire venir des « stars » sans intérêt alors que la ville dispose d’un trésor culturel inégalé, est l’un des résultats criants, parmi d’autres, de cette lamentable absence de volonté politique. En ignorant la puissance du symbole on saccage la structure mentale de peuples entiers, on spolie de leurs terres et de leur vie spirituelle les derniers indiens d’Amérique du Sud, et l’on détruit ce qu’il reste de l’âme occidentale.

Il s’agit d’un combat de civilisation. Un combat semblable à celui que menèrent en leur temps les pionniers de l’écologie qui eurent tant de mal à être entendus et ne le furent qu’à la « faveur » d’un certain nombre de catastrophes et de menaces sur notre environnement naturel – et au prix d’une opiniâtreté sans faille. Mais les menaces qui planent actuellement sur nos sociétés touchent directement l’être humain. Faut-il sauver la planète pour qu’elle soit habitée par des robots à l’apparence humaine qui n’ont d’autre fonctions que la production et la consommation de marchandises ? Et le mot culture a beau être épuisé de trop de mésusages, on comprend, lorsqu’on voit la barbarie en actes envahir l’Occident et le monde, et qu’on lit dans la presse que l’écriture manuscrite deviendra d’ici 2014 un enseignement optionnel dans 45 États américains, que c’est bien de ça qu’il s’agit.

Nicolas Roméas, directeur de Cassandre/Horschamp



fake lien pour chrome




Partager cet article /  





Réagissez, complétez cette info :  →
Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.



Infos, réflexions, humeurs et débats sur l’art, la culture et la société…
Services
→ S’abonner
→ Dons
→ Parutions papier