Les premières mesures se caractérisent par des nettoyages en tous genres. La balayeuse d’un autre âge a été priée d’en mettre un coup. Elle ronfle, la pauvre, comme un employé en fin de carrière. On désherbe aussi et pour cela on revient au désherbant chimique qui avait été peu à peu abandonné, non sans mal. En somme un vrai programme politique autour du nettoyage et du ménage communal.
Mais il est d’autres nettoyages... Et d’autres ménages en cours. En particulier des nettoyages culturels si caractéristiques des prises de pouvoir par certains... Ici et ailleurs.
Corbigny avait la rare particularité d’avoir développé un projet culturel ambitieux depuis une dizaine d’années. Ainsi quatre compagnies professionnelles, dont deux conventionnées (à titre comparatif il n’y en a qu’une à Nevers et trois en tout dans la Nièvre) s’y étaient installées dans des domaines artistiques différents mais complémentaires comme la danse contemporaine avec Les Alentours Rêveurs/Compagnie Serge Ambert, le théâtre de rue avec les Métalovoices, le théâtre sans H avec le TéATr’éPROUVèTe et Jean Bojko, la musique et la lutherie avec Déviation/Compagnie Alain Mignon.
Ce projet culturel a induit 15 emplois permanents et des dizaines d’emplois intermittents techniques et artistiques. Résidences, ateliers permanents, laboratoire de recherche multimédia pour personnes âgées, spectacles, films, projets divers ont pu ainsi voir le jour. Un festival de rue également prenait son envol. Un nouveau lieu culturel dédié aux arts de la rue était sorti de terre. L’Abbaye peu à peu équipée et rénovée, commençait à devenir une ruche active si bien qu’il était prévu d’y installer sur proposition de la Direction Régionale des Affaires Culturelles le Centre chorégraphique de Bourgogne prochainement. Pour ce qui est des arts plastiques, une commande publique fort décriée localement, comme toujours avec l’art contemporain, faite à l’artiste minimaliste américain Lawrence Weiner, venait compléter un menu culturel discutable mais copieux. Tout cela en parallèle avec les associations locales et l’école de musique, les établissements scolaires également utilisateurs des lieux.
Corbigny devenait en à peine 10 ans une référence en matière culturelle. Les apports financiers étaient importants notamment pour la réfection de l’Abbaye, et ceci n’aurait pas pu se faire sans projet culturel global...et sans un investissement minimum de la commune. Des centaines d’artistes, d’intellectuels, y ont résidé, séjourné, travaillé...
« De la culture il en faut un peu, mais pas trop ! » lançait un Corbigeois attablé au café de la mairie. Ce qui veut tout dire...
Alors on nettoie. Allez la balayeuse culturelle ! oust ! Débarrassez-moi de l’œuvre de cet obscur artiste américain Weiner. Allez ! oust ! plus de festival de rue. Plus de projet de salle multimodale (financée à 80 pour cent). Plus de projet de réfection du site de l’Abbaye. Au panier aussi les partenaires. Plus de centre chorégraphique de Bourgogne. Pour ce qui est de la programmation, la nouvelle adjointe à la culture qui se targue d’appartenir au monde de l’entreprise, entend s’en occuper elle-même : du Molière pour ce qui est du théâtre ! Une exposition sur les nourrices plutôt que d’obscurs artistes nombrilistes ! etc... Elle a été élue dit-elle pour satisfaire les Corbigeois ! Quand certains s’ajouteront à d’autres pour dire ouvertement que les compagnies, les artistes présents, sont un ramassis de fainéants vivants sur des fonds publiques et phagocytant la commune, il ne restera plus qu’à donner un dernier coup de balayeuse et à vider les lieux...
On nettoie mais pour faire quoi ? Eh bien, pour installer dans ce bourg rural des caméras de vidéo-surveillance ! Si, si, c’est un projet important et prioritaire du nouveau conseil municipal...
On croit rêver mais ce n’est que réalité. Reste à se demander comment on en arrive là... Moi je sais, mais je n’ai pas envie de le dire.
Avec le sourire et en vous invitant à faire suivre...
Jean Bojko
TéATr’éPROUVèTe L’Abbaye du Jouïr 58800-CORBIGNY
www.theatreprouvette.fr