[IN] SE (à l’intérieur de Juste un mot)

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[IN] SE (à l’intérieur de Juste un mot)

Une création de la Compagnie Marie Lenfant
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Les premières de la version « longue » de [IN] SE, librement inspiré de Juste un mot - la révolution du sensible, à la Fonderie au Mans, par la Compagnie Marie Lenfant, avec Thierry Mabon, les 27, 28 et 29 novembre à 20h, approchent à grands pas. Ces rendez-vous peuvent être, je l’espère, grâce à cette passionnante équipe, l’occasion de réouvrir de grands débats publics sur la place de l’art dans nos sociétés en voie de déshumani-
sation. Comme c’est un moment très particulier pour nous, je voudrais vous raconter
en quelques mots comment est née cette belle aventure collective.

[IN] SE © Antoine Leveau

D’abord, il y eut 23 années d’animation et de fabrication, avec une équipe vaillante et magnifiquement engagée dans laquelle Valérie de Saint-Do jouait un rôle essentiel, d’une revue dotée d’un vrai esprit critique. Une agora de papier entièrement consacrée aux relations entre l’art et la société, en France et partout dans le monde : Cassandre/Horschamp. Un service public de l’information culturelle pour penser le geste de l’art. Autant avec les acteurs de terrain qu’avec des sociologues, des historiens, des anthropologues ou d’autres chercheurs, nous avons bricolé - comme disait Claude Lévy-Strauss - tous les outils possibles afin d’explorer ces entre-deux dont on parle si peu et si mal la plupart du temps. Si mal qu’on les affuble parfois du pauvre intitulé de socio-culturel. Nous préférions parler d’action artistique, ou mieux du geste de l’art, pour manifester que, même si ses traces sont précieuses, il s’agit avant tout d’un geste, corps et âme.

Il y eut l’organisation d’innombrables rencontres permettant aux gens de se connaître, de s’éprouver et de se raconter - et parfois de nouer des liens de façon à agir ensemble.

Seuls et en partenariat avec d’autres, nous avons fait paraître de nombreuses publications sur le rôle joué par le geste artistique dans les lieux construits ou aménagés à cet effet et surtout ceux qui ne le sont pas, en particulier ce que nous appelons les « lieux de difficulté » : hôpitaux, institutions psychiatriques, quartiers réputés « difficiles » (ou encore des squats artistiques), pour nous efforcer de capter en quoi l’art est fondamentalement un outil d’invention de langages et de réparation humaine, là où la langue ordinaire ne suffit pas.

Nous avons publié, en plus de la revue, des livres consacrés à nos explorations et découvertes, notamment africaines (Un rêve d’Afrique) et à des réflexions sur l’évolution conjointe de nos sociétés et des pratiques de l’art - et plus généralement l’usage des langages symboliques (Le jeu de l’être). Après un étonnant cycle de rencontres au Couvent des Récollets, nous avons édité Les Hors-champs de l’art pour témoigner publiquement d’expériences menées dans des lieux de relégation, à la lisière des questions psy et en milieu carcéral, avec des gens comme Pippo Del Bono et, grâce à Madeleine Abassade, autour de la psychothérapie institutionnelle et la clinique de La Borde avec, entre autres, Jean Oury. Sur l’aventure de l’éducation populaire, nous avons fabriqué avec l’aide de Franck Lepage un bel ouvrage publié en partenariat avec Les liens qui libèrent : Éducation populaire, une utopie d’avenir. Nous n’avons cessé, durant toutes ces années, d’explorer et de défricher par tous les moyens à notre disposition, des territoires essentiels à la perception de l’efficacité réelle du geste artistique. Mais durant tout ce temps, j’écrivais peu à titre personnel. Nous étions, jeunes et moins jeunes, embarqués dans cette histoire de transmission et d’avenir, l’équipage d’un frêle et courageux esquif, un bâteau-éclaireur engagé dans un travail d’équipe.

[IN] SE © Antoine Leveau

En 2018, nous avons dû, très brutalement, arrêter l’aventure, faute de moyens. Nous étions loin d’être les seuls à être condamnés par l’époque, qui est ce qu’elle est. Ce n’est jamais exprimé clairement par le pouvoir, mais ce qu’on appelle la culture - celle par tous et pour tous - est le véritable adversaire des ultralibéraux et de leurs affidés. Ils le savent bien, elle leur échappe toujours. Malgré tous leurs efforts pour le dénaturer, l’échange produit par le geste de l’art n’est jamais de nature marchande. Ce qui appartient au monde du symbolique ne se traduit jamais en termes de quantité. Mais la médiocrité et la vilénie sont aux commandes, je ne vous apprends rien. Le petit bateau a sombré, traversée d’un désert glacial, tempéré par d’inestimables alliances comme celle de Jean-Jacques Hocquart, l’amiral de la nef divine d’Armand Gatti, et le soutien d’extraordinaires combattants comme Zsazsa Mercury, des Allumeur.e.s, avec qui nous avons travaillé à faire éclore de belles réalisations - comme par exemple celles qu’on trouvera ici et ici, et d’autres qu’on peut commander sur ce site...

Plus tard, les confinements nous ayant tous plus ou moins paralysés, j’ai décidé de réunir quelques pensées personnelles sur le sujet, pour raconter à ma manière ce long parcours et scander ce récit de quelques écrits libres, très éloignés de l’écriture journalistique.

Ça a donné Juste un mot, assemblage bizarre de pensées éparses et néanmoins centrées, de relations de rencontres marquantes, d’incantations lyriques, que je voulais éditer pour, au moins à mon usage, baliser cette étape cruciale, ce nouvel et incertain chapitre de notre histoire commune. La forme biscornue de ce recueil s’efforce de faire vivre le foisonnement de ce qui est vraiment vécu, intérieurement et avec d’autres, quand on s’engage dans cette recherche. La relation entre ce qui doit être partagé, le collectif et le subjectif le plus intime, le plus indicible, le plus sensible, le plus ardu à exprimer avec des mots, entre nos aspirations utopiques, comme on dit, et le travail effectivement accompli avec d’autres pour tenter d’avancer ensemble dans le sens d’un geste de l’art utile à l’être humain. Pour ne pas laisser nos imaginaires se désagréger, à la merci des forces de destruction qui sont depuis longtemps en marche.

[IN] SE © Antoine Leveau

Comme nous étions souvent contraints les uns et les autres à la solitude, que le travail en commun me manquait beaucoup, et que ma chère amie la précieuse chorégraphe Marie Lenfant, qui a placé la relation à l’autre au centre de ses intérêts, avec qui je partage beaucoup de choses, qui ne cesse de transmettre et de donner tout ce qu’elle a sans songer au retour, avait déjà expérimenté quelques essais à partir de courts textes de moi, je lui ai proposé d’en faire autant avec ce futur livre. Marie a accepté et, avec son comparse Thierry Mabon, en a fait [IN] SE, une brève performance, drôle et profonde, sorte de numéro de clown dadaïste et métaphysique, légèrement montypythonesque. À peu près au même moment, une talentueuse éditrice qui travaillait pour une petite maison, m’a proposé de publier ce texte, ce qui fut fait. Cette éditrice, Claude Fosse, décida quelque temps après de créer sa propre maison, Langage pluriel, ce qui permit de rééditer l’ouvrage, enrichi de quelques nouveaux textes et préfacé par le grand et très regretté Paul Blanquart. Marie et son comparse Thierry Mabon se sont ensuite attelés à la fabrication d’une version longue de [IN] SE, aujourd’hui en voie d’achèvement, qu’on pourra voir les 27, 28 et 29 novembre 2024 à 20h, à La Fonderie, au Mans. Et ensuite, on pourra parler ensemble.

J’aimerais que vous soyez là, ce jour-là, avec nous.

Nicolas Roméas


[IN] SE - création 2024
librement inspirée de Juste un mot, la révolution du sensible - Éditions Langage Pluriel

Conception : Marie Lenfant
Interprétation : Thierry Mabon
Texte et voix : Nicolas Roméas
Univers sonore : Paul Peterson
Scénographie : Olivier Clausse Atelier-Ohm
photo © Antoine Leveau

Premières de création 27, 28 et 29 novembre 2024, à 20h.
Théâtre La Fonderie - Réservations : reservation (at) lafonderie.fr ou 02 43 24 93 60


Voici comment la Compagnie Marie Lenfant présente la pièce :


[IN] SE création 2024 librement inspirée de Juste un Mot, La révolution du sensible

Nos expériences, nos connaissances s’empilent comme des casseroles et l’on tente d’organiser cette « batterie » bon gré, mal gré, comme on peut. Ca peut prendre sens ou devenir un tas pesant, un foutoir contraignant qui empêche d’avancer. Parce que oui, comme le dit Nicolas Roméas, quel foutoir cette humanité qui cherche le sens et se perd en confusions, avec le risque de filer tout droit vers la noyade.

On veut agir, confondant action et agitation, réel et virtuel, espoir et croyance, on veut se faire comprendre et avoir raison, sans savoir vraiment pourquoi, on voudrait convaincre et se convaincre soi-même pour s’assurer, se rassurer, afin de poursuivre notre chemin de vie plus serein, conforté par ce petit « pouvoir » de détenir à soi seul la bonne, l’unique version.

Mais les mots sont aussi complexes, on peut leur faire dire ou entendre d’eux tout et son contraire, on baigne en permanence dans les paradoxes. Ce monde ce sont des imbrications en perpétuel changement, en mouvement. Nos cerveaux sont des fabriques d’images et de sens, que nous interprètons aussi, que nous déformons volontairement ou non, pour nous arranger avec ce monde, le modeler à notre sauce et en obtenir une version plus logique, moins complexe.

C’est à s’y perdre, à en perdre la tête.

|IN] SE, c’est un dialogue entre les mots et les images, qui questionne ce que nous nommons réalité. Nous percevons le monde, l’interprétons et tentons d’en partager une définition, parfois comme un cri, avec l’espoir qu’il franchisse le vide et rejoigne l’autre, auditeur secourable.

|IN] SE est une allégorie, un écho à celle de la caverne de Platon dont le personnage principal serait un Don Quichotte avec une pointe du fils d’Éole.

Les précédents chapitres du cheminement de Juste et un mot et de [IN] SE

Conversation avec Paul Blanquart, qui a préfacé Juste un mot

Bande annonce [IN] SE

[IN] SE

Un petit portrait de Marie Lenfant


Sur le site de la Compagnie Marie Lenfant



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