États d’âme

PARTAGER CET ARTICLE ► 
|  Article suivant →
s’abonner
 

Enfin
des cadeaux intelligents !





   




< Articles en libre lecture (mais c’est mieux de s’abonner)

États d’âme

PARTAGER ►

par Nicolas Romeas
Télécharger la version PDF  



Il me semble nécessaire de m’adresser à vous, chers lecteurs connus et inconnus, pour faire un peu le point ensemble d’une situation étrange, incertaine, qui me donne envie de changer de cap. J’aimerais beaucoup avoir votre avis, je voudrais créer un vrai espace de dialogue avec vous. Est-il très utile aujourd’hui, quand le monde vacille, de nous contenter, avec L’Insatiable, de recenser des spectacles ou des œuvres, ou même d’exposer quelques points de vue pertinents sur la place du geste artistique dans notre société ? N’est-il pas temps d’inventer un espace de dialogue plus vivant, devant l’urgence ? Je pense qu’il serait bon de se poser ensemble la question et d’imaginer quelques réponses possibles, c’est ce que je vous propose ici.

Nous le savons tous, le service public de la culture français, construit après la seconde guerre mondiale, qui est le socle de notre action depuis plus de vingt-cinq ans avec la revue Cassandre/Horschamp et tout ce que nous avons accompli autour d’elle, est gravement menacé. Comme tous nos services publics, ce bel outil presque unique dans le monde, chancelle sous les coups de boutoir incessants des ultralibéraux, dans une certaine indifférence générale… On se demande d’ailleurs parfois s’il existe encore un ministère chargé de ce domaine en France. Et naturellement, dans cette brèche, ce sont les conceptions spectaculaires et commerciales, c’est-à-dire très éloignées de nos conceptions du geste artistique, qui s’engouffrent et sont mises en avant par les autorités du moment, quand il advient qu’elles s’intéressent au sujet.

Naturellement, le regroupement récent des forces de gauche de ce pays crée un espoir et une salutaire clarification. Mais vous l’avez remarqué comme moi, alors que nous traversons une époque cruciale, très dangereuse et bouleversée, aucun mouvement politique ne donne réellement leur place aux enjeux culturels, dont nous prétendons depuis le début qu’ils sont fondamentaux, au même titre que la question écologique.

Nous savons que le monde que nous préparent les ultralibéraux est un désert robotisé et transhumaniste, où l’âme humaine n’a pas de place. Il n’y a aucun doute là-dessus, les choses sont aujourd’hui très claires. Nous savons depuis longtemps, c’est la source de notre engagement, que pour lutter contre la destruction des outils de l’imaginaire et de la relation (c’est-à-dire finalement de la pensée), qui est la conséquence inévitable de ce processus, il faut une révolution copernicienne, qui passe par un retour aux fondamentaux de l’humain. Nous savons que pour construire des êtres humains dignes de ce nom, il est indispensable de se détacher de l’obsession de la quantité, pour se concentrer sur le monde symbolique, inquantifiable et vital, dont le geste de l’art est dans toute société, le cœur, le joyau et le noyau, le trésor caché en quelque sorte. Car c’est là et nulle part ailleurs que ce monde des symboles peut exister et créer de la relation en s’exprimant à travers chacun d’entre nous. Nous ne sommes évidemment pas, collectivement dans cette société, en mouvement vers cet horizon.

Photogramme © Olivier Perrot

Resserrons la focale et soyons francs et clairs. Les circonstances actuelles font qu’il devient difficile de faire vivre ce journal en ligne, bénévolement et sans aucune aide publique, sans plus aucun de ces jeunes gens qui participaient à ce travail à différents niveaux, et que, grâce à des « emplois aidés », nous pouvions accompagner dans leur désir de se former à une écriture exigeante et personnelle. Nous publions, pas assez souvent, mais le plus régulièrement possible, des textes d’auteurs amis toujours intéressants et parfois passionnants, mais beaucoup sont, comme nous, en difficulté, leur production devient donc plus rare, et ça n’est plus tout à fait suffisant pour faire vraiment vivre un journal en ligne comme L’Insatiable.

Photogramme © Olivier Perrot

Il me semble pourtant très important de continuer, de traverser cette période en essayant d’inventer de nouvelles façons de faire. En allant, au fond, jusqu’au bout de notre démarche, en donnant la parole à tous ceux qui ont quelque chose d’intéressant à exprimer sur le sujet. Les situations risquées sont propices à l’invention, profitons-en ! Alors, j’ai besoin de votre aide et je vous fais une proposition : transformer L’Insatiable en une véritable agora, en un lieu de dialogues sur les questions artistiques et sociétales, où des textes de lecteurs peuvent être largement diffusés, discutés, et se répondre les uns les autres. Pour que nous puissions apprendre les uns des autres, découvrir ce que nous ne connaissons pas et combattre ensemble les tendances sombres de l’époque. Voilà. Si l’idée vous semble bonne et vous attire à titre personnel, voici l’adresse courriel où vous pourrez me faire des propositions : nr at linsatiable.org. Points de vue subjectifs, parti-pris argumentés, recensions de livres, d’œuvres, de spectacles, de performances, textes écrits pour être lus, commentaires sur des actions reliant l’art et la société...

Je lirai tout, je vous répondrai, j’essaierai de vous aider si nécessaire, je vous ferai des propositions et une fois que nous nous serons mis d’accord, nous publierons ces textes dans L’Insatiable. Nous proposerons aux lecteurs de répondre et de commenter, et quand ça en vaudra le coup, nous publierons aussi ces réponses. L’idée est vraiment de proposer une agora ouverte sur les enjeux culturels et artistiques reliés à l’évolution de nos sociétés. Dites-moi ce que vous en pensez, ça pourrait être une très belle aventure, peut-être salutaire, pour traverser ensemble ces temps obscurs et y mettre un peu de lumière. Et, aussi, alerter nos lecteurs (qui sont parfois des politiques ou des responsables culturels de poids) sur l’importance des enjeux que nous défendons.

Photogramme © Olivier Perrot

J’ajoute quelques mots sur nos vies et sur la mienne. Nous avons tous été secoués par la succession d’événements qui se sont enchaînés et continuent aujourd’hui à le faire, pour beaucoup d’entre nous nos vies ont changé, certains sont plus isolés qu’auparavant. Quant à moi, la revue à laquelle je consacrais mon existence s’est arrêtée il y a plusieurs années. Confinements aidant, j’ai quitté ma vie parisienne, je découvre, depuis, ce qu’on appelle bizarrement « la province », c’est un apprentissage important, mais qui m’éloigne aussi de beaucoup de choses et j’essaie de me concentrer sur mon écriture. C’est une étape vraiment nouvelle pour moi. Un ouvrage conçu à partir de mes obsessions préférées, avec quelques images de notre cher Olivier Perrot, verra bientôt le jour dans une petite, mais très belle maison d’édition et j’en suis extrêmement heureux, je vous donnerai bientôt des nouvelles de ce livre.

À très bientôt,
Nicolas



fake lien pour chrome




Partager cet article /  





3 commentaire(s)

weil 30 septembre 2022

URGENT
Cher Nicolas
Nous aimerions te contacter.
Nous nous sommes plusieurs fois rencontrés dans la région parisienne avec Cassandre... et aussi lors d’une venue de Jean Michel Lucas....puis l’Insatiable... notre nom est Anne-Marie et Robert (Bob) Weil, nous étions alors sur Rouen... Bob enseignait la Socio de la culture à l’Université de Mont Saint Aignan... voilà quelques éléments pour nous resituer.
Nous avons reçu ton appel et acheté ton livre et nous aimerions te joindre sur un projet en cours pour t’en parler voici nos coordonnées tel 06 07 12 84 87 courriel shalibob chez gmail.com
Amicalment BobAm

Signaler

Nicolas Romeas 17 juin 2022

Bonjour Pierre,
Désolé, mais il y a dans ce que vous dites un malentendu très important. La droite ne peut pas défendre pas la culture au sens où nous l’entendons : la circulation des œuvres, des gestes et des connaissances dans l’ensemble de la société. Elle ne peut que promouvoir, au mieux, un art réservé à une élite, ou au pire une marchandisation de l’art qui à terme le fait disparaître dans ce qu’il est essentiellement : un outil de la relation qui se sert des symboles pour faire vivre nos imaginaires.

Signaler

Pierre Troin 17 juin 2022

Bonjour !

Votre réflexion et proposition sont très intéressantes.

Cependant, je regrette que le politique s’impose d’emblée au monde culturel.

En vous définissant comme étant de gauche sur l’échiquier politique, il devient difficile pour une personne qui a pris ses distances avec la gauche - et qui pourrait même bien être à droite - de vouloir participer à votre questionnement.

En d’autres termes, je pourrais dire que la culture est suffisamment importante pour qu’elle inclut également les gens de droite lorsqu’il est question d’y réfléchir, de faire des propositions, d’échanger des points de vue...

Dans tous les cas, bonne chance pour votre démarche.

Cordialement.

Signaler
Réagissez, complétez cette info :  →
Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.



Infos, réflexions, humeurs et débats sur l’art, la culture et la société…
Services
→ S’abonner
→ Dons
→ Parutions papier