L’autre soir mon amie Madeleine m’a emmené au théâtre. Ça faisait longtemps que je n’avais pas été à la Cartoucherie de Vincennes. Ariane Mnouchkine invitait Eugenio Barba pour son dernier travail en date Hamlet’s clouds. Un moment important pour moi. Cet homme, né en 1936 en Italie, a été porté par le puissant élan jailli des années soixante qui a, entre autres, donné le Living Theatre et Grotowski. Il a fabriqué son propre chemin à travers cette immense bourrasque. Et après avoir fait vivre depuis 1966 le lieu magnifique de l’Odin Teatret au Danemark, il est redevenu nomade, au fil d’une logique imparable, prouvant qu’il pouvait, avec ou sans lieu mais avec ses complices, faire vivre le théâtre - et que d’autres peuvent aussi le faire. Je voudrais essayer ici d’exprimer avec mes mots, tentative maladroite, l’effet que ces Nuages d’Hamlet ont produit sur moi, aujourd’hui, dans l’époque que nous traversons.
Si notre mission d’humains est de tenir ensemble les ressentis qui nous traversent et cette réalité que la pensée ne cesse de construire plus ou moins malgré nous, ce monde du symbolique si détesté par les pouvoirs qu’on appelle art est là pour le [...]
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Cher Nicolas... la,la, là.
Il y a bien longtemps pour moi aussi que je ne suis allée à La Cartoucherie (...).
Gratitude à Toi pour ce bel éloge, son enthousiasme.
"Le feu qui brûle dans la maison de l’âme"
Ce n’est pas pas l’heure de replier nos ailes dans notre bosse...
Elles sont les outils de la révélation ( l’Apocalyse).
Il y a un papillon qui s’appelle Apollon,
C’est l’heure des métamorphoses.
Marie Poncet.
Le plus difficile, dans Hamlet’s Clouds de l’Odin-Teatret, vu vendredi 7 mars dans le petit théâtre de la Cartoucherie, est d’abandonner la raison pour se laisser aller aux sens : la vue, l’ouïe, le toucher. Le toucher parce que j’ai eu peur que le spectre du roi, aveugle, marchant en crabe dans ma direction, finisse par m’atteindre avec son absence de main au bout de son bras tendu. Il n’en fut rien. il s’arrêta exactement au bord du tapis noir qui nous séparait et pivota. Ouf ! Il y a les autres en face de moi.
Dans le théâtre de Barba, la scène est un long rectangle bordé, sur les deux grands côtés, par le public. Nous, le public, pas spectateurs, nous sommes dans un corps à corps proprioceptif avec les comédiens de l’Odin Teatret. Nous ressentons, et plus encore éprouvons, ce que nous voyons et entendons.
Se joue sous nos yeux une tragédie universelle : la mort d’un enfant. Mais plus que tragique, quand elle devient politique, bascule dans le réel : les images d’enfants soldats apparaissent sur des écrans aux extrémités gauche et droite du plateau. Hamlet est de ceux-là.
On comprend (prendre en soi, dans le corps) que les folies sont des échappatoires, que les danses sont la joie et aussi les folies ambiguës de l’amour dionysiaque, dans l’espace et le temps de la vérité de ce qui se joue-là. Le théâtre comme reflet savant de nos vies dans le miroir, réel, que les comédiens nous tendent.
Impossible de raconter et une envie immense de se parler après le spectacle.
Merci Nicolas Roméas pour ton texte.
Il y a de l’immortalité dans le théâtre d’Eugenio Barba et la troupe de l’Odin-Teatret.
Nous transmettrons à nos enfants que ce théâtre existe, a existé, peut exister, encore, malgré tout.
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