Allumons le feu !

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Allumons le feu !

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par Kamesh Catapoulé
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Jusqu’au 6 janvier 2019, la Cité des sciences et de l’industrie à Paris dédie l’une de ses salles d’exposition au feu. Imaginée à la suite d’un incendie survenu dans la nuit du 19 au 20 août 2015 dans ses locaux, l’exposition retrace une évolution du feu dans son rapport à l’humain tout en nous questionnant sur ses enjeux et problématiques actuelles. Petits et grands sont fortement conviés à un parcours initiatique.

Le feu n’a jamais suscité en moi un vif intérêt : je m’en suis toujours servi de façon passive, c’est-à-dire sans en saisir l’importance. Grâce à cette exposition, j’ai pu réaliser à quel point cet outil a révolutionné nos modes de vie.

La relation que nous entretenons avec le feu est paradoxale. Symbole de vie, il a été aux temps paléolithiques une avancée au niveau de l’alimentation. Des installations d’objets et des compositions graphiques m’ont fait basculer à la période préhistorique, où grâce à la domestication du feu, le cerveau des hommes s’est développé. La cuisson de la viande a de toute évidence facilité le processus de mastication et de digestion, tout en limitant le risque de maladies et de contagions, un rappel trivial pour les plus grands mais utile aux plus jeunes. Cette association à la vie comporte une part de sacralité. D’origine indienne, il m’arrivait de célébrer avec ma famille le Diwali, une fête très populaire en Inde qui honore la lumière. Elle célèbre le retour du Dieu Rama au royaume d’Ayodhya, qui revient d’exil après sa victoire sur le démon Ravana. À cette occasion, les lumières viennent orner les rues et bâtiments des villes indiennes. Un de mes souvenirs les plus marquants du Diwali date de 2013, où la communauté indienne de l’île de la Réunion a été nombreuse à se rassembler autour de festivités dans la ville de Saint-André. Chants, danses, musiques et défilés étaient au programme : je m’émerveillais face à autant d’effervescence festive. Les mots de mon père me viennent encore à l’esprit « On allume la lumière de la connaissance dans la nuit de l’ignorance ». En grandissant, j’ai finalement compris leur sens : le feu est synonyme de l’entendement au sens philosophique du terme. Le mythe de Prométhée, vu et revu pendant mon parcours scolaire, prend alors tout son sens : en volant le feu pour l’apporter aux mortels, le célèbre titan de la mythologie grecque apporte la connaissance aux hommes. Il me semble important d’aborder cette sacralité du feu dans la tradition hindoue à travers la danse. Lors d’un festival en Inde à Kalakshetra, prestigieuse école de Bharata Natyam (danse originaire de l’Inde du sud), je me rappelle avoir vu un danseur allumer une lampe avant de démarrer son spectacle : il s’agit d’une pratique commune aux danseurs de confession hindoue, en signe de respect à Shiva Nataraja, le « Dieu de la danse ». Ce geste sacré me ramène également aux siècles des devadasi, littéralement les « servantes de dieu », des femmes destinées dès leur plus jeune âge à accomplir des rituels accompagnés de chants et de danses dans des temples hindous, des pratiques qui ont servi de modèle au Bharata Natyam. Dès l’instant où mon regard s’est posé sur une installation audiovisuelle projetant une scène de crémation en Inde, j’ai constaté que le feu peut être aussi associé à la mort. À ce moment précis, mes pensées allaient vers mes grands-parents, incinérés il y a quelques années. Le souvenir de leurs cendres m’évoque la puissance dévastatrice du feu. La crémation est un rite funéraire qui tient son origines des peuples indo-européens. Ce rituel aide l’âme à se libérer du corps, en s’élevant métaphoriquement sous forme de fumée. Le chapitre 3 du verset 19 de la Genèse énonce aussi : « Homme tu es né poussière et tu retourneras à la poussière », élément qui, symboliquement, peut désigner les cendres d’une crémation. En écho à notre vulnérabilité face aux flammes, la Cité des sciences a tenu, en partenariat avec la brigade des sapeurs-pompiers de Paris à ce que nous expérimentions ce qu’ils vivent au quotidien, par le biais de dispositifs multimédia et d’installations « immersives ». Me plonger dans une salle pleine de fumée m’a rappelé qu’en cas d’incendie, ce ne sont pas les brûlures mais bien la fumée qui est le principal danger, aussi bien pour les victimes que pour les pompiers.

Avant de me rendre à cette exposition, j’avais une certaine appréhension : je pensais qu’elle serait spécifiquement dédiée aux plus jeunes. J’ai été agréablement surprise de voir qu’elle s’adresse à tous : après tout, le feu est un outil universel. Plus qu’une réflexion, l’exposition peut provoquer une prise de conscience : le feu nous apparaît aujourd’hui comme trivial car sa maîtrise date d’il y a 400 000 ans, mais que serions-nous devenus sans sa domestication ? Comment, sans lui, nos sociétés se seraient-elles développées ?
Avec cette exposition, la Cité des sciences prouve, à l’image du phœnix, qu’elle s’est relevée de l’incendie de 2015.

Cité des sciences
30, avenue Corentin-Carriou
75019 Paris

Métro : Porte de la Villette
Bus : 139, 150, 152 Tram : T3b

Ouvert tous les jours sauf le lundi :
de 10h à 18h et le dimanche de 10h à 19h

Plein tarif : 12 euros
Tarif réduit : 9 euros ( + de 65 ans, enseignants, - de 25 ans, familles nombreuses et étudiants)

Le billet inclut l’Argonaute et le planétarium

Gratuit pour les - de 2 ans, les demandeurs et les bénéficiaires des minimas sociaux, les personnes en situations de handicap et accompagnateur



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