Dans la sclérose que constituent les systèmes sexe-genre [3] globalisés, être divergent.e en matière d’identité et d’expression de genre est une tannée. Tannée qui peut devenir tragédie lorsqu’on cumule les discriminations, notamment de race et de classe. Le blédard en France erre déjà en virevoltant dans le désert aride de l’illisibilité. Comment alors imaginer un blédard trans ? Un transgresseur non seulement des frontières, des cultures mais aussi du genre, différenciation à valeur quasi-absolue ? Trans ou non, queer ou non, les blédards ont de la ressource. Notre existence remet en cause bon nombre de normes. De la sécheresse, nous générons des torrents de renouveau.
C’est fatigant d’être trans. S’il y a une porte ouverte que j’enfoncerai, c’est bien celle-ci. Elle est même plus fermée qu’on le croit, dans la mesure où l’on peine encore à correctement définir et représenter les transidentités. On pourrait se réjouir des distances (relativement) grandissantes que nous prenons vis-à vis de l’époque où l’on parlait de « crise d’identité sexuelle » ou de « transsexualisme ». Mais ces termes et leurs imaginaires restent prévalents lorsqu’il s’agit de nous décrire. À l’heure actuelle, nous continuons de subir le droit de regard que s’offrent les institutions médicales et politiques cisgenres [4] sur nos corps et identités.
Ce qu’il s’agirait de comprendre, c’est l’assignation faussée dont on fait l’objet. On décrète nos centres d’intérêt, nos manières sociales, nos repères psychologiques à notre place et de chaque contravention de notre part à ces dogmes résulte de la douleur. Déferlent sur nous la honte, la culpabilité, le dégoût et évidemment, tout un nuancier de violences. Être trans n’est pas tant une question de transition que de transgression, et lorsque nous nous manifestons à la société selon notre identité de genre vécue et réelle, le chemin se fait rarement sans embûches.
Si le parcours trans est jonché de quantités d’obstacles, comment pourrait-on imaginer le blédard trans ? Comment pourrait-on imaginer exister en tant que migrant postcolonial pauvre sans la possibilité d’opérer une transition dans les règles de l’art ? Très concrètement, être légitimement trans dans l’espace hétéronormé général implique le plus souvent de courir après un passing [5]. Dans la mesure où l’on postule chez nous des troubles d’identification genrée, on nous enjoint, non sans vives contraintes, à ressembler à n’importe quel personne cis. Ça passe par notre gestuelle, nos façons de s’habiller, nos comportements sexuels, bref, tout ce qui touche à l’existence sociale et de ce qu’elle requiert en termes de performance.
Or, cela nécessite une certaine stabilité socio-économique, que le blédard trans n’a pas. Et qu’un certain nombre de personnes trans et/ou queers n’ont pas. Dans ce brouillard de représentations, dans des sociétés où l’on croit ce qu’on voit, comment, en tant que blédards trans, accéder à la reconnaissance et la concrétisation de son être ? Spoiler qui n’en est pas un : difficilement, mais nous ne manquons pas de tirer notre épingle du jeu, d’une façon ou d’une autre.
Orgueil et préjugés : le "transsexualisme" pour les nuls :
Au mieux licornes sur-fantasmées, au pire, aberrations de la nature défiant les lois de la biologie, de la génétique et pourquoi pas du bon sens, les transidentités peinent à être définies par les personnes cis. On nous parle de femmes souhaitant être des hommes, d’hommes souhaitant être des femmes, on imagine d’abondants charcutages génitaux pour permettre des renaissances quasiment bioniques. À ce stade, les élucubrations science-fictionnelles s’entassent sans rien dire de nous. D’où viennent ces fallacieuses métaphores ? En grande partie des institutions médicales légitimes, désespérées à l’idée de comprendre ces "hommes" qui portent des perruques et ces "femmes" qui ne daignent pas être graciles.
Le terme de « transsexuel » est pour la première fois introduit en 1953 par l’endocrinologue Henry Benjamin pour parler des personnes dites « coincées dans le mauvais corps ». C’est de ce constat que la pathologisation des transidentités surgira, avec l’apparition en psychologie des notions de genre définissant le rôle social et l’identité sexuée. Le but est bel et bien de distinguer les
« transsexuels » et les homosexuels. Le psychiatre Norman Fisk introduit subséquemment la dysphorie de genre, entrée en vigueur en 1974, dans le but de distinguer les « vrais transsexuels » des faux. La véracité de l’expérience transgenre (ou transsexuelle si l’on reprend les délicats termes de l’époque) va donc dépendre de l’expérience de la dysphorie de genre : si le décalage entre identité de genre initiale et identité de genre souhaitée est trop fort et qu’il provoque un déséquilibre psychologique (la fameuse dysphorie), il y aurait transsexualisme et donc nécessité d’un traitement hormonal et de chirurgies de réassignation sexuelle. Autrement, si le décalage est mineur voire inexistant, un traitement psychologique suffirait.
Ce qu’il faut assimiler, c’est que c’est bien cette appréhension erronée des transidentités qui a fini par percoler au sein des institutions médicales, notamment en France, avec la Sofect, qui assure le plus souvent la prise en charge des personnes transgenres. Depuis la loi du 18 novembre 2016, suite à des pressions de la part de la Cour européenne des droits de l’Homme, la France a (légèrement) allégé le fardeau administratif pesant sur les personnes transgenres, notamment au regard des procédures de changement d’état civil qui ne nécessite plus d’attestation de transition médicale. Précisons d’ailleurs que cette même loi interdit la stérilisation des personnes trans changeant d’état civil (on notera tout de même que cette pratique a cessé d’exister il y a moins de 4 ans). Néanmoins, la procédure de changement nécessite toujours un passage long et ardu au tribunal judiciaire. En outre, le discours scientifique dominant sur les transidentités reste celui de la pathologisation.
Parallèlement à la construction des discours et procédures sous-tendant les pseudo-sciences transsexualistes, on assiste aussi au nourrissement d’imaginaires collectifs à travers des représentations trans tronquées, altérées et, bien sûr, peu valorisantes sinon complètement répugnantes. Les femmes trans par exemple sont souvent représentées comme des hommes ridiculement efféminés, des travestis grotesques inconscients d’eux-mêmes, et les occurrences de cet odieux trope sont nombreuses, notamment dans les comédies américaines à succès des années 90 et 2000. Dans How I Met Your Mother [6], Ted, le protagoniste, tente de découvrir
le secret que lui cache sa compagne Robin. Une de ses hypothèses est qu’elle fut autrefois « a dude », « un keum » et naturellement, cette pensée lui provoque le plus grand écœurement. Dans Ace Ventura [7], le protagoniste éponyme campé par Jim Carrey embrasse l’antagoniste principale avant de se rendre compte qu’il ne s’agit pas d’une femme cis mais d’une trans. Devinez quelle réaction lui provoque cette découverte ? Il en vomit, simplement. Même une série lesbienne populaire comme The L World se révèle incapable ne serait-ce que de frôler la surface des expériences transidentitaires, notamment avec le personnage de Max qui réunit en lui quantités de stéréotypes trans. Excessivement macho, agressif, instable psychologiquement et surtout, son immuable féminité supposée est constamment pointée. Cerise sur le gâteau : comme l’intégralité des personnages trans dans des productions d’envergure, on choisit bien évidemment une actrice cis pour jouer le personnage de Max. Encore une fois, travestissement et transidentité sont largement confondus.
Au bout du compte, ce qui définit l’expérience trans à l’œil cis, c’est sa virtualité. Les hommes trans sont des femmes dévoyées, les femmes trans sont des hommes vils et trompeurs. Dans les deux cas, les réactions acceptables sont le dégoût, le rejet et la confusion. Ces personnes sont irréelles, au mieux malades, et il convient de mettre fin à leurs délires.
De l’encombrement de la binarité des genres : et si on faisait de l’espace ?
Pourtant, il faut comprendre le caractère extrêmement récent des transidentités médicalisées comme norme incontestable. En tout temps, en tout lieu, des individus et communautés aux identités et expressions de genre dépassant la binarité des genres hétéronormative ont pu exister en étant plus ou moins bien intégrés dans l’espace social. Des exemples, il y en a par pelletées : les Hijras en Inde sont des personnes assignées homme selon la binarité usuelle qui ont une expression de genre féminine. Leur identité de genre est d’ailleurs reconnue officiellement comme distincte des catégories « homme » ou « femme ». Les Muxes, quant à elles, sont des personnes encore une fois assignées homme ayant une expression de genre relativement féminine, apparues aux alentours du XVIIème siècle dans les communautés zapotèques, au Mexique. Les Muxes continuent d’exister, notamment dans l’État d’Oaxaca, et étaient initialement bien intégrées dans le fonctionnement social de leurs communautés, endossant des rôles féminins divers.
On peut même retrouver des exemples d’identités de genre non binaires en Italie, et plus spécifiquement, à Naples, avec les femminielli, souvent décrits comme des travestis mais qui en réalité se prévalent d’une identité bien plus complexe. Ni femmes trans, ni hommes homosexuels, les femminielli seraient, le plus schématiquement possible, des personnes aux identités de genre divergentes spécifiquement liées à leurs implications dans les pratiques culturelles locales. Ils
interviennent lors de diverses célébrations collectives, et versent dans des rituels magiques locaux, ils peuvent même avoir une dimension spirituelle du fait de leur lien avec la déesse Cybèle.
Les exemples de manifestations sociales d’identités qu’on lierait faute de mieux aux transidentités sont nombreux, que ce soit à travers l’histoire ou la géographie. Néanmoins, ce qui semble les lier, c’est bien leur ancrage dans un contexte social et culturel précis, qu’il soit national ou régional. C’est également pour ça que les appellations comme « queer » ou même « troisième genre » (expression illustrant bien le réductionnisme de la binarité de genre hétéronormative) ne conviennent pas pour les décrire et sont rarement légitimées par les concerné.es. Leur identité est intrinsèquement liée à leurs identifications personnelles et leurs rôles sociaux à des échelles précises.
Au bout du compte, si l’on s’identifie à un genre plutôt qu’à un autre, à plusieurs genres ou à aucun, c’est bien parce que cela a du sens. L’identification primaire à un genre, couplée ou non aux phases de socialisation, fait sens de nos parcours, de nos sensibilités, des traitements de la société. En d’autres termes, lorsqu’on est trans et qu’on initie une transition, quelle qu’elle soit, ce n’est pas pour des artifices, ce n’est pas parce qu’on vise un physique, une biologie en particulier. D’ailleurs, nous ne sommes trans que parce que d’autres l’ont décidé. Nos parcours s’assimilent de force à des transitions parce qu’on postule la nécessité de changements profonds dans nos vies. Il devrait être tout à fait normal de pouvoir facilement changer son état civil, son corps ou n’importe quelle marque de son identité. Pourquoi faut-il en faire une incompressible injonction ? Pourquoi doit-on irrémédiablement se détruire et renaître pour simplement exister ?
Il n’en demeure pas moins que les transidentités légitimées au sein des sociétés hétéronormatives sont régies par le passing. Lorsque les institutions nous astreignent à la honte, à l’autodépréciation dans sa forme la plus intense, lorsque les représentations nous déshonorent, lorsque la grande majorité de la société nous rejette vers une crasseuse marginalité, il n’y a rien d’étonnant à souhaiter un changement. Pour beaucoup de personnes trans dysphoriques ou non, le constat est simple : on croit ce que l’on voit. Puisque le positivisme prévaut en matière de genre, l’acceptation repose dans les normes cis. Pour cause, toutes les figures publiques trans globalement acceptées ont des passings crédibles, que ce soit Kim Petras, Nikkie de Jager, Laverne Cox aux États-Unis, Océan et Jonas Ben Ahmed en France ou même la danseuse Nour au Maroc. Il existe évidemment des figures publiques trans non-binaires ou non conformes dans l’expression de genre, mais elles demeurent marginales.
Et le blédard dans tout ça ?
Du fait de la consécration du passing comme moyen de légitimation de la transidentité, du fait de la cacophonie pathologisante et culpabilisante constante, il n’est en rien choquant de contempler les normes cis. On peut évidemment militer, certains militantismes trans étant extrêmement critiques des systèmes qui nous conditionnent et des vocabulaires qui nous corrompent. Néanmoins, tout le monde ne peut lutter par ce biais et finalement, ce qui compte, pour beaucoup, c’est de vivre une existence aussi tranquille que possible. C’est pour cela qu’il n’y a rien de choquant à voir dans le passing une panacée ultime, la clef d’un paradis perdu où l’on peut souffler, jouir d’un tant soit peu de spontanéité, sans avoir à se justifier de sa biologie ou génétique. Comme les cis.
Le plus dramatique dans tout ça, c’est qu’il ne s’agit même pas d’une possibilité pour le blédard trans. Si l’on fait de lui un idéal-type permettant de mieux comprendre les personnes trans pauvres issues des immigrations post-coloniales, on peut facilement saisir la difficulté de viser le passing et, par voie de conséquence, la réintégration cisnormée de la société. Prenons par exemple l’accès aux traitements médicaux féminisants, incluant la prise d’hormones et d’éventuelles opérations chirurgicales : celles-ci nécessitent évidemment une couverture par la Sécurité sociale, notamment à travers l’Affection Longue Durée. Or, l’ALD nécessite le plus souvent de passer par une batterie de médecins, incluant des généralistes, des endocrinologues, des psychiatres, avant de pouvoir espérer l’effleurer. Le blédard trans est donc d’ores et déjà sur le carreau, s’il est mis dans une situation d’irrégularité administrative qui ne permet pas d’être couvert sanitairement parlant. Si le blédard trans est régularisé sur le territoire français, à moins qu’il ait une situation administrative parfaitement stable et pérenne, la transition et l’accès au passing peuvent être compliqués dans la mesure où cela peut lui coûter le renouvellement de ses papiers, pour cause d’usurpation d’identité par exemple. Du point de vue économique, la condition migratoire étant déjà suffisamment précaire du fait des racismes systémiques, avoir autre chose qu’un passing parfait peut rendre inemployable. Personne n’a envie de travailler avec un "travelo" (trope associé à une forte tendance à l’instabilité et à la criminalité) et encore moins avec un "travelo" basané venu d’on ne sait où. Enfin, transitionner radicalement pour un meilleur passing peut revenir à couper les ponts avec les pays d’origine, surtout si ceux-ci condamnent fermement les transidentités. On n’irait pas se risquer à traverser des douanes avec des cartes d’identité nationales en contradiction avec nos expression et identité de genre (notez la triste cocasserie du fait d’être en contradiction avec ses propres papiers).
Ce qui est certain, c’est que le prisme migratoire permet de révéler les gravissimes angles morts de l’injonction au passing. Si les discours et politiques publiques insistaient sur l’autodétermination des personnes trans, on n’en serait pas là. Mais comme les institutions et les sociétés continuent de freiner des quatre fers, le blédard trans se retrouve dans une véritable impasse existentielle. Face à cette hostilité complète, il peut lutter pour ses droits, il peut également créer autrement. Lorsque les réalités nous abandonnent, nous pouvons investir les territoires intangibles, notamment à travers la création artistique. Il s’agit peut être d’un cache-misère mais cela peut être un moyen de lutte, en plus d’un espace de conceptualisation et de construction pour sa personne et ses projections.
L’art comme dernier bastion :
Pour comprendre comment faire sens de l’insensé, pour saisir la façon dont les réalités obscurcies peuvent se matérialiser, j’ai eu le plaisir de rencontrer Sorour Darabi, danseur.euse queer et trans originaire d’Iran. Comme Sorour n’est pas issu.e de la migration postcoloniale, il subsiste une vraie distance avec la notion réappropriée de « blédard ». Néanmoins, son art est un exemple vibrant de
ce que les personnes trans migrantes créent à partir de la matière instable de leurs trajectoires et histoires.
Comme la société française, la société iranienne est caractérisée par une forte cisnormativité vis à vis des transidentités. Elles peuvent exister et s’ancrer dans les contextes sociaux, mais uniquement si elles se conforment parfaitement à l’ordre hétérosexuel. En outre, comme en France, les personnes queers ne trouvent le confort de se développer qu’au sein des élites économiques et culturelles, dans des perspectives globalement néo-libérales. Du reste, les queers de classes précaires demeurent dans la marginalité ou l’inexistence.
Comme beaucoup d’immigrés, Sorour concevait les racismes en France mais n’en mesurait pas l’ampleur. En plus de la nécessité d’être approuvé par les cis, il faut faire face aux assignations raciales aléatoires dépendantes elles-mêmes du passing, parce que celui-ci se décline également racialement et culturellement. Sorour s’est donc souvent retrouvé.e à passer pour un homme maghrébin/arabe/musulman (c’est la même chose n’est-ce pas ?) et à subir les stigmates stéréotypés que cela implique, à savoir la bigoterie religieuse, la sauvagerie, le machisme exacerbé. Quant à sa pratique, elle s’est retrouvée coincée dans des catégorisations réductrices hors-sol. Ainsi, Sorour a fait face à la censure mais s’est aussi retrouvé.e victime des fétichismes qui tournent autour de l’Iran et de ses cultures, notamment la fascination malsaine pour le caractère liberticide et autoritaire du régime. Autrement dit, on est à nouveau prisonnier d’attentes déconnectées de nos réalités.
Face à ces constats, Sorour a décidé de faire de sa pratique artistique un safe space pour les personnes trans, queers, racisées et pauvres, un point de chute où l’on peut profiter de répit pour saisir les tumultueux rapides aux confluents desquels on se retrouve malgré soi. Sur un point plus personnel, Sorour tente de réconcilier son identité de personne trans et queer avec ses identités iraniennes, notamment en révélant l’homoérotisme et la potentielle queerité de certaines manifestations culturelles iraniennes. À titre d’exemple, iel me parle d’un travail de réappropriation autour des cérémonies de deuil annuelles pour l’imam Hossein, mort en 680. Révélatrices des courants complexes qui ont amené les sociétés iraniennes actuelles, que ce soit l’islamisation, les contacts avec les mondes arabe mais aussi européen, ces cérémonies sont souvent pratiquées par des hommes, ce qui leur donne l’opportunité de briser les performances masculines quotidiennes et usuelles. Elles passent à travers le Ta’zieh, une forme de théâtre itinérant incluant chants et musiques. Ces manifestations n’ont pas cours partout en Iran, notamment dans certaines régions plus conservatrices que d’autres. Elles demeurent relativement marginales dans la mesure où elles relèvent d’une histoire minorisée, découlant d’une tradition de transmission orale.
Pour Sorour, ce type de modalité culturelle représente une matière de travail vive et foisonnante qu’iel se plaît à mélanger avec d’autres formes artistiques européennes. Le but est non seulement de fournir une parole et un point de vue concerné et auto-déterminé mais également de clarifier les complexités socio-culturelles embarrassant les queers migrants racisés. Il est en effet plus simple de partir du principe faussé selon lequel l’Iran serait un sombre pays d’obscurantistes imperieux dont il faut se distancer au plus vite. Néanmoins, c’est non seulement faux mais aussi hautement préjudiciable, pour Sorour ou pour n’importe quel migrant queer iranien.
Finalement, que ce soit pour les migrants queers racisés au sens large ou plus spécifiquement pour le blédard trans, l’existence en France est une pente si savonneuse qu’on y patine de gré ou de force. Les réalités matérielles et objectives nous desservent, et ce n’est pas près de cesser. Néanmoins, notre capacité de création n’en est que plus grande et c’est en vertu de ça que nous pouvons nous permettre de nous projeter. D’aucuns pourraient voir dans le blédard trans un individu irrémédiablement maudit à qui la vie n’a rien à apporter, et ce ne serait même pas si faux. Mais ça fait belle lurette que nous avons cessé d’attendre quoi que ce soit de la vie. La réalité n’a rien d’implacable. Nous évoluons difficilement, nos identités sont tout sauf respectées, nous devons le plus souvent littéralement nous travestir pour avancer mais nous le faisons. Et nous continuerons de le faire jusqu’à que nous puissions envoyer valdinguer toutes les normes sociales incapables de correctement assurer la prospérité des communautés. Alors, nous pourrons véritablement respirer.
Youssef Belghmaidi
Découvrez les travaux de Sorour Darabi, notamment à travers sa performance Farci.e
[1] Terme introduit dans L’économie politique du sexe par Gayle Rubin. Désigne, en un temps et lieu donnés, les dispositions des genres et des sexes et leurs imbrications selon les normes qui les conditionnent
[2] Terme introduit dans L’économie politique du sexe par Gayle Rubin. Désigne, en un temps et lieu donnés, les dispositions des genres et des sexes et leurs imbrications selon les normes qui les conditionnent
[3] Terme introduit dans L’économie politique du sexe par Gayle Rubin. Désigne, en un temps et lieu donnés, les dispositions des genres et des sexes et leurs imbrications selon les normes qui les conditionnent
[4] Désigne les personnes dont l’identité de genre vécue et reconnue correspond à celle qui leur a été assignée.
[5] Le passing (sociologie) est la capacité d’une personne à être considérée comme membre d’un groupe social autre que le sien, comme l’ethnie, la caste, la classe sociale, l’orientation sexuelle, le genre, la religion, l’âge ou le handicap
[6] (Bed Stories) : série américaine de Carter Bays et Craig Thomas.
[7] Série de films américains comprenant deux longs métrages : Ace Ventura, détective pour chiens et chats (1994) et Ace Ventura en Afrique (1995) ainsi qu’un téléfilm, Ace Ventura 3 (2008). Les deux premiers films mettent en vedette l’acteur Jim Carrey dans le rôle-titre.