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Balestra, l’« onde nerveuse » répond à un mystérieux besoin d’élan collectif




« Le cirque, c’est un rond de paradis dans un monde dur et dément. »

Annie Fratellini.

Chaque année, au terme d’un cursus de trois ans, une quinzaine de nouveaux artistes de très haut niveau quitte le Centre National des Arts du Cirque pour entrer dans la profession, en France, en Europe ou ailleurs. L’insertion professionnelle se construit tout au long du cursus par une mise en œuvre de différents dispositifs de tutorats, de parrainages, de partenariats pour favoriser la professionnalisation de ses étudiant·e·s à leur sortie.

Marie Molliens © DR

Peggy Donck, nouvelle directrice du CNAC, a choisi de confier la mise en scène de la création de fin d’études à Marie Molliens : « Je suis très heureuse de faire appel à Marie, une femme, autrice, circassienne, une artiste pensante qui déjoue les codes, pour accompagner les étudiant.e.s de la 34e promotion et leur offrir la possibilité de rencontrer l’univers singulier de la Cie Rasposo ».






Marie Molliens est fildeferiste, acrobate, « enfant de la balle ». Elle participe, dès son plus jeune âge, aux spectacles de la Cie Rasposo, puis se forme à l’Académie Fratellini. Dans ses créations, Marie Molliens questionne les liens tissés entre le cirque et le théâtre et interroge les codes circassiens traditionnels à travers son regard de femme et d’artiste.

Crédit photo Christophe Raynaud Delage.

Je viens de lire l’article plat et convenu consacré au spectacle dans le journal La Terrasse et je suis agacée. On reproche à Marie Molliens de ne pas mettre suffisamment en avant la spécificité de chaque circassien et de privilégier le sens du collectif. C’est justement ce que je viens chercher dans le cirque contemporain. Une invitation à s’élancer ensemble pour faire autrement. Un partage de ce que Marie nomme " L’onde nerveuse". Je l’ai ressenti lors de cette belle et glaciale soirée de décembre. J’ai traduit ce besoin d’une onde nerveuse et sensible quelques semaines avant d’avoir assisté à Balestra par une série de collages intitulée Cirque monde. Étrange coïncidence. Que ceux qui attendent une vitrine des talents individuels du cirque de demain passent leur chemin. Excepté cette publication et deux autres plus intéressantes sur des blogs, je ne trouve aucune critique dans la presse nationale ni sur les ondes. Les « spécialistes de la critique » attendent le passage de Balestra à Paris. J’ai vu ce spectacle le 10 décembre sous le chapiteau La Marnaise à Châlons en Champagne, lieu emblématique du cirque contemporain. Châlons, c’est le baptême du feu pour ces jeunes circassiens, mais la cité administrative provinciale endormie intéresse peu.

Série acrylique et collage Cirque monde © Claire Olivier

J’écris chaque année un texte sur cette fête hivernale. Un rituel revigorant.
Je choisis d’exposer ici simplement mes souvenirs « sensibles » de Balestra et en quoi ce spectacle répond à un mystérieux besoin d’élan collectif. Je laisse parler mon âme. J’ai été invitée à une grande fête païenne, joyeuse, exaltée, électrisante. Comme dans mes collages.

Je me souviens ne plus savoir où porter mon regard, comme dans mes collages. Je me souviens d’avoir goûté la beauté des corps et m’en être repue. Comme dans mes collages. Je me souviens d’une jeunesse exaltée ensemble. Tout comme dans mes collages.

Les figures et silhouettes que je découpe dans des plaquettes de présentation de lieux culturels ont la particularité d’être toutes en mouvement, en chemin, en quête d’un ailleurs meilleur. Elles cherchent, expérimentent et dansent ensemble, comme ces jeunes circassiens. Certes, ce sont des virtuoses de chair et d’os, mais ils n’en sont pas moins vulnérables et émouvants. N’en déplaise à certains pseudos-experts, la piste n’est pas une foire à la pirouette d’exception !

Crédit photo Christophe Raynaud Delage.

Voilà exactement ce que j’ai retrouvé sur la piste. Des humains vivants, vivaces, bruyants, tenaces. Les figurines découpées assemblées, collées pour orchestrer une chorégraphie sur cartons s’animent sur la piste.

Je me souviens d’une tribu de pierrots rescapés d’un naufrage, échoués sur une terre hostile, cherchant une place dans le chaos. Je suis un Pierrot de la Lune. Peut-être attendais-je cela ? Vivre une intuition. Je ressens une immense satisfaction, réponse à mon besoin de partager une pulsion de vie, une réécriture du réel.

La lecture du dossier éclaire encore mon ressenti. Une synchronicité se fait jour.

Série acrylique et collage Cirque monde © Claire Olivier

«  En escrime, la balestra est une figure d’attaque qui a pour but de provoquer un changement de rythme chez l’adversaire. On l’effectue après une succession de fentes en accélérant brutalement pour déstabiliser l’autre. Cela correspondait à ce que les étudiant.e.s m’avaient renvoyé lorsque je les interrogeais : cette envie de changer de rythme. Et ça ne devrait pas reposer que sur leurs épaules.
Nous sommes parti.e.s des mots d’Ariane Mnouchkine qui a écrit : "[…] Et surtout, surtout, disons à nos enfants qu’ils arrivent sur Terre quasiment au début d’une histoire et non pas à sa fin désenchantée. Ils en sont encore aux tout premiers chapitres d’une longue et fabuleuse épopée dont ils seront, non pas les rouages muets, mais au contraire, les inévitables auteurs. […] Disons-le, haut et fort, car, beaucoup d’entre eux ont entendu le contraire, et je crois, moi, que cela les désespère. Ils ont une jeunesse à inventer et à vivre", Balestra parle aussi de cet espoir-là
. »

Crédit photo Christophe Raynaud Delage.

Je me souviens avoir passé une belle soirée avec mon amie Monique, ma fille Lola et son amie Éléane. Cette dernière m’a lancé en sortant qu’elle n’avait pas vu le temps passer. Nous non plus. Nous voulions encore être déstabilisées par des « Balestra ». C’est peut-être simplement cela que Nicolas nomme « le sacré » dans l’art. Ce qui ne peut être exprimé par les mots et doit sortir de nos tripes par des gestes artistiques.

Claire Olivier

https://rasposo.com/

https://www.youtube.com/watch?v=nq2oLcabpSE

http://theatredublog.unblog.fr/2022/12/16/balestra-ecriture-et-mise-en-scene-de-marie-molliens-recommande-a-partir-de-sept-ans/

https://www.loeildolivier.fr/2022/12/marie-molliens-met-le-feu-au-cnac/

TOURNÉE PRÉVISIONNELLE 2023

sous le chapiteau du CNAC (sauf mention spécifique)
Création 2022 au Parc de la Vilette - Paris
Du 25 janvier au 19 février
Espace Chapiteaux 
lavillette.com
Elbeuf (76) - Cirque Théâtre d’Elbeuf
Pôle national Cirque - Normandie dans le cadre du festival SPRING
7, 8, 9 avril
cirquetheatre-elbeuf.com
Moroges (71) - Cie Rasposo
Spectacle co-accueilli avec les Scènes nationales Espace des Arts-Chalon-sur-Saône, L’Arc-Le Creusot et Le Théâtre-Mâcon
30 juin, 1er, 2 juillet 
rasposo.com
Lyon (69) - Festival utoPistes
En partenariat avec Les Nuits de Fourvière, festival international de la Métropole de Lyon
Parc de Parilly
10, 11 juin
festival-utopistes.fr

EN RÉGION GRAND EST
Reims (51) - Le Manège, scène nationale-reims
21, 22, 23 avril
Parc de la Patte d’Oie
manege-reims.eu
Montigny-lès-Metz (57) - Cirk’Eole
dans le cadre des "Soirées d’Eole"
12, 13, 14 mai
cirk-eole.fr


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