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Les robots peuvent-ils être au service de l’art ?




Du 5 avril au 9 juillet, le Grand Palais à Paris propose une exposition intitulée « Artistes et robots » qui questionne la place que peut prendre l’« intelligence artificielle » dans le geste artistique. Chaque œuvre exposée résulte de l’introduction de la robotique dans le processus de création. L’humain reste au cœur de l’action, il demeure maître à bord, mais délègue une partie de son travail aux robots. Ce mot, dérivé du tchèque « robota » : « travail, besogne, corvée », a été introduit par l’écrivain Karel Čapek dans la pièce de théâtre Rossum’s Universal Robots, créée en 1921. Le robot, dans son acception première, existe pour assister l’être humain, pas autre chose.

Fascination du robot

Depuis longtemps, beaucoup d’œuvres ont exploré le thème de l’intelligence artificielle, au cinéma et en littérature comme avec Blade Runner, I-Robots, Terminator, Her, Ex-Machina, souvent pour dénoncer les risques de sa prise de pouvoir sur les humains.
Jusqu’où ira cette fameuse « intelligence artificielle » dont notre imaginaire collectif est envahi et qu’il appréhende tant ? Nous avons déambulé dans les salles du Grand palais avec cette question en tête. L’Homme est depuis très longtemps fasciné par la création d’un être artificiel à son image et par la place que peut tenir cette créature dans les sociétés humaines. Du mythe grec de Pygmalion au Frankenstein de Mary Shelley, en passant par le Golem praguois de la tradition talmudique, cette fascination pour une créature humanoïde produite par l’homme et supposée le remplacer dans certaines activités - et qui menace parfois de se retourner contre lui - se retrouve sous diverses formes, dans différentes cultures. Dans une société mondialisée obsédée par l’efficacité et la rapidité des résultats, fascinée par les prouesses de la technologie, les robots, à l’instar des smartphones qui se sont imposés dans notre quotidien, semblent sur le point de devenir incontournables. Certains artistes qui ont déjà pris conscience de cette réalité, utilisent les nouveaux outils de la robotique pour tenter d’inventer de nouvelles formes d’expression. Mais un robot peut-il produire de l’art ? Si l’on affirme que l’œuvre d’art est avant tout une création humaine, on peut dire en ce sens que le robot peut aider à la faire. Mais pour remplir son rôle d’outil créateur d’imaginaire et de relation au service de la collectivité, elle a naturellement besoin du savoir, de la sensibilité, de la mémoire et du geste de cet être humain qu’est l’artiste.

Art robotique ?

Ici, puisque le robot est considéré du point de vue de cet usage, on nous expose différentes machines programmées pour produire ce qu’on appelle de l’« art ». Or, une chose nous frappe devant ces productions : tout y est mécanique, programmé, calculé à l’avance. Cela empêche toute possibilité de ce qu’on peut appeler « l’authenticité ». Un robot automatisé pour donner des coups de pinceaux, se limitera toujours strictement aux instructions prédéfinies, même celles qui le programment de façon aléatoire. Les mouvements du pinceau d’un peintre sont déterminés par celui qui le tient, sa main - donc son corps -, son état du moment, son humeur, ses désirs et ses utopies ; le robot lui, ne peut être qu’un qu’outil désincarné, sans âme. Quels que soient les fantasmes des techno-addicts, il ne dispose par définition pas du matériau imaginaire susceptible de donner son sens à une œuvre. Ce sens ne peut exister qu’en relation à l’existence, à l’esprit et au corps d’un humain, lui-même membre d’un groupe culturel et façonné par son vécu et ses échanges relationnels. Ce qu’aucune machine ne peut faire.

L’alchimie mystérieuse qui produit le génie créateur a-t-elle quoi que ce soit de commun avec le hasard que peut simuler une machine ? On peut sérieusement questionner la différence de « nature » entre un robot et un pinceau… En dehors sans doute de l’économie réalisée, le seul avantage du robot est un gain d’effort et de temps. Il ne s’arrête de fonctionner que lorsque son propriétaire le décide, ou en cas de panne d’énergie. Mais, pour n’évoquer que cet aspect, le robot ne peut être aussi ductile et proche de l’artiste qu’un pinceau, immédiatement relié aux pulsions de son corps et qui, quelle que soit la technique, est assujetti à son rythme. Le pinceau est une véritable extension physique de la main qui le tient ; le robot est un outil mécanique qui réagit à des stimuli algorithmiques. Et contrairement à ce que son apparente autonomie laisserait croire, on peut bien lui donner autant de consignes que l’on veut, il ne produira jamais rien par lui-même. Car il n’aura jamais, bien sûr, l’imagination nécessaire pour créer : pas de vécu à quoi se rattacher, pas la moindre émotion pour l’inspirer. Il ne peut de lui-même envisager la finalité et le sens de ce qu’il fait. Si un robot peut commencer une œuvre d’art mais jamais l’achever, c’est qu’il n’a, évidemment, ni but, ni recherche personnelle.

Évolution des techniques

Mais ce n’est pas la seule forme de robotique. Peu à peu le robot se transforme, même lorsqu’il devient invisible, voire immatériel, juste un algorithme, un programme, il demeure un simple outil. La méthode change mais non le résultat ; certains artistes se servent de ces techniques pour créer de nouvelles formes de créations et la question du tempo devient fondamentale, puisque tout va très vite. Là où, pour les premières machines, il fallait être patient avant d’obtenir un résultat, grâce aux programmes informatiques, il suffit d’entrer des données pour immédiatement l’obtenir. Le support aussi évolue : il passe du papier ou de la toile à l’écran. L’œuvre se réduit alors à une succession de chiffres, un code informatique. Ces informaticiens d’un nouveau genre deviendraient-ils des artistes dont le pinceau serait l’ordinateur ?

L’exposition est conçue pour nous faire traverser toutes les étapes de la robotique moderne et de ses implications dans le champ artistique. Au fur et à mesure, on perçoit que les machines se métamorphosent pour prendre l’apparence d’êtres humains, ce qui est en soi troublant. Une question étrange et banale revient alors : l’Homme aura-il encore sa place dans une société de plus en plus robotisée ? Depuis longtemps le robot remplace l’humain dans le secteur industriel, mais il le fait aussi aujourd’hui dans le monde de l’éducation, ce qui est peut-être plus grave. Au Japon, Hiroshi Koyabashi a donné naissance à « Saya » une professeure robot en test depuis 2008 dans une école primaire de Tokyo.

Question de sens

Il est clair que nos vies sont de plus en plus connectées, nous sommes confrontés quotidiennement à nombre d’appareils électroniques censés facilités nos vies. De la bouilloire au bracelet électronique mesurant en temps réel notre fréquence cardiaque, nous apprenons à vivre avec. Ils sont passés du stade de l’outil à celui de « collaborateur », notamment avec le développement des logiciels d’assistance vocale. L’arrivée imminente de l’« intelligence artificielle », capable de « raisonner » par elle-même, impressionne beaucoup de gens aujourd’hui. Vouloir comparer des machines à des êtres humains (et dans leurs plus hautes œuvres) est certainement le signe que l’humain qu’on nous prépare n’a plus grand chose d’humain… Depuis quand, l’« intelligence », artificielle ou non, suffit-elle à produire de l’art ? À construire une maison, sans doute. Et encore. L’étymologie de ce mot (intelligere) indique qu’elle n’est pas la seule qualité nécessaire pour être un artiste, il s’agit de tout autre chose. Le robot peut sans doute être un outil, un créateur, jamais.

Guillaume Canale et Kamesh Catapoulé

https://www.grandpalais.fr/fr/evenement/artistes-robots

Dimanche, lundi, jeudi, vendredi, samedi de 10h à 20h.
Mercredi de 10h à 22h.
Fermeture hebdomadaire le mardi
Fermeture anticipée à 18h les jeudis 5 avril et 24 mai.
Fermé le mardi 1er mai.
Dans le cadre de la Nuit des musées, l’exposition sera ouverte et gratuite à partir de 20h le samedi 19 mai 2018 (entrée jusqu’à minuit - fermeture à 1h).

Plein tarif : 14 €
Tarif réduit : 10 €
Tarif tribu (4 personnes dont 2 jeunes 16-25 ans) : 38 €
Gratuit pour les jeunes de 16 à 25 ans inclus, sans billet ni réservation, les mercredis 2 mai, 6 juin et 4 juillet, entre 19h et 22h (dernière entrée 21h)

Crédits photos : Guillaume Canale


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