Revenons au spectacle Entre deux pluies que je suis allée voir sur scène pour mieux l’apprécier et pour prendre le pouls du public. J’avais été séduite par sa retransmission sur YouTube. Les éléments, galets et eau, m’avaient paru adaptés.
Le Théâtre de la Villette est situé Porte de Pantin. Le public venu assister à la représentation était composé de jeunes parents avec des enfants entre 2 et environ 10 ans, « blanc-blanc », d’un milieu qui semblait plutôt cultivé, fréquentant probablement assez régulièrement les salles de spectacles avec sa progéniture.
L’accueil est chaleureux, la salle confortable avec rehausseurs pour les plus petits. Une femme présente le spectacle aux enfants en leur disant que la lumière va passer d’au-dessus de leur tête à la scène pour éviter la peur du noir.
Le brouhaha s’apaise, quelques très jeunes voix se font encore entendre sans que les parents n’interviennent. Assister à un spectacle, n’est-ce pas aussi apprendre les codes de l’écoute avec d’autres ? La danseuse fait le tour du carré formé de galets noirs, tend une main, un pied pour recevoir la pluie qui tombe. Les spectateurs sont attentifs, que va-t-il se passer ?
Pour un long moment, pas grand-chose de plus et la salle s’agite un peu. La danseuse marche sur les galets, s’y couche. On entend plusieurs « Qu’est-ce qu’elle fait ? ». La grand-mère, à côté de moi, explique tout à son petit-fils même s’il ne demande rien. Soit le spectacle n’est pas bon, soit elle ne respecte pas l’intelligence de ce garçon. Même si la salle réagit au moment où la danseuse éparpille les galets dans un bruit d’orage comme le disent plusieurs enfants, l’attention n’est pas mobilisée. La magie que j’attendais n’opère pas. Les déambulations et gesticulations de la danseuse n’accrochent pas du tout l’intérêt de ce jeune public, et pourquoi en serait-il autrement car il n’y a pas d’histoire qui pourrait servir de fil conducteur et rien ne nous emmène vers un au-delà symbolique ou onirique. Le spectacle se termine sur une correspondance : dessin de galets noirs sur un écran blanc / galets disposés au sol.
C’est fini. Applaudissements de convenance.
Que s’est-il passé ?
Rien et c’est bien ça le cœur du problème. Ce spectacle où l’enfant ne s’est identifié qu’à de très rares moments, ne lui a rien apporté soit dans sa compréhension du monde, soit de son moi intérieur, ne lui a ouvert aucune porte sur de nouvelles pistes.
La performance vue sur YouTube n’était pas tout à fait la même que sur scène : l’espace dégagé parmi les galets était plus clair et les enfants pouvaient s’identifier à la déambulation de la danseuse marchant précautionneusement sur les espaces ainsi ménagés.
À partir d’une accroche d’identification, il aurait fallu aller plus loin. Seul le passage du réel à l’abstrait qui était clair sur YouTube donnait quelque substance.
Quels sont les ingrédients nécessaires pour faire d’un spectacle un bon spectacle ?
Tout d’abord, il faut une solide connaissance de la psychologie de l’enfant dont la caractéristique majeure est la jouissance intense de sentir son cerveau en action.
Ensuite, l’observation de l’enfant nous fournit les pistes de ce qui le nourrit et donc nous permet de construire spectacles ou enseignements adaptés à son développement et répondant à sa soif de découverte et de compréhension du monde et de lui-même. Pour les galets en l’occurrence, le tout jeune enfant sera fasciné par sa texture, les bruits qu’il peut en tirer, la possibilité de les mettre dans des trous (Ah, les trous !), de les jeter.
Les plus grands seront attirés par les constructions, les équilibres, les chemins… Partant d’une identification, le créateur du spectacle aurait pu guider son public du concret à l’abstrait, de la matière à l’art, de l’impulsion à la sublimation, de réel au mythe nourricier. Le ludique creux laisse l’enfant dans l’agitation plutôt que dans l’activité.
Claire Trebitsch
Entre deux pluies, création 2013, mention spéciale petite enfance du Festival Momix 2013
Théâtre Paris-Villette (75)
Le 2 novembre à 10h30
, le 4 novembre à 11h
Mise en scène et scénographie : Laurance Henry
Assistant et lumière : Erik Mennesson
Interprète : Séverine Gouret, Pauline Maluski (à partir de la saison 2015/2016)
Musique, composition sonore : Philippe Le Goff avec la participation d’Alain Neveux, pianiste
Costume : Charlotte Pareja/Atelier Bonnetaille
Constructions : Ronan Ménard
a k entrepôt –
89 bd E.Prigent 22000 Saint-Brieuc
06 81 10 78 96 –
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