La révolution culturelle est en marche !

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La révolution culturelle est en marche !

Modeste contribution à l’excellente fiction présidentielle de Politis
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par Valérie de Saint-Do
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Pour ensoleiller un été qui en a bien besoin à tous points de vue, nos excellents confrères de Politis nous régalent d’une savoureuse fiction : l’accession d’Anémone à la magistrature suprême et les cent premier jours d’un gouvernement dirigé par Cécile Duflot et Jean-Luc Mélenchon.
Une lacune, pourtant, dans ce très bon récit : leur gouvernement idéal ne mentionne pas de ministre de la Culture. Micro
Cassandre a décidé de réparer ce fâcheux oubli.

Qui allait hériter du maroquin de la Culture ? C’était LE sujet qui fâche. Il faut dire qu’à la suite d’un dossier remarqué de la revue Cassandre/Horschamp dans son numéro d’été 2011, les candidats s’étaient emparés du sujet avec une voracité comparable à celle d’Edwy Plenel découvrant une turpitude sarkozyste. Sans craindre, parfois, la surenchère : un mois avant l’élection, on évoquait le triplement du budget, la gratuité généralisée à l’ensemble des musées, théâtres et concerts, et une vaste entreprise de reconversion des friches industrielles en Établissements Culturels à Rayonnement International et Touristique (ÉCRIT).

Entre le Front de gauche et les Verts, le sujet n’était sans créer de fortes dissensions idéologiques. Le premier, fort de la tradition communiste en la matière, s’évertuait à satisfaire les trublions des squats artistiques sans désespérer le SYNDEAC. Pour le coup, c’est la composante écologiste qui revendiquaient sur le sujet une "Révolution citoyenne" sur le thème rousseauiste : "Tous artistes, occupons les plateaux, occupons Tokyo(1) !".

Le nom de l’inusable Jack Ralite avait circulé, mais son soutien à Hadopi lui avait aliéné d’une jeune génération plus familière des sigles LOL et IRL(2) que de l’acronyme CDN(3). Les Verts mirent sur orbite Jean-Michel Lucas, alias Kasimir Bisou, mais l’intéressé refusa :" je ne me suis pas fait virer de ce ministère dépassé pour y rentrer par la grande porte" !

Une idée poussée par Dominique Voynet et Eva Joly faisait son chemin : puisque Martine Aubry avait, à maintes reprises, évoqué son rêve d’être ministre de la Culture, pourquoi ne pas pratiquer l’ouverture au centre-gauche en la nommant ? Discrètement contactée, la maire de Lille déclina poliment mais fermement. Le Canard enchaîné lui prêtait cette réplique définitive : "Finir comme Jack Lang ? Jamais ! " Mais à en croire le volatile, ce fut elle qui souffla le nom de Bernard Stiegler à Jean-Luc Mélenchon. Sans compter qu’elle avait assez à faire avec un PS "plus bordélique que jamais", soupirait-elle en privé.

"Ce ne sera pas facile de convaincre Anémone", maugréa le co-Premier ministre. La Présidente n’avait jamais renié ses racines dans la culture populaire et il craignait sa réaction quand le ministre présumé prononcerait pour la première fois les mots hypomnemata et grammatisation dans le même discours. Chez Cécile Duflot, c’était la levée de boucliers : "Un ex de l’IRCAM et de Beaubourg pour faire la reconquête citoyenne de l’Institution ? Pourquoi pas Olivier Py, tant que vous y êtes ? »

Au demeurant, on s’interrogeait beaucoup, au gouvernement, sur la nécessité de conserver cet intitulé de "ministère de la Culture" si étranger à la culture libertaire des Verts et des Alternatifs.

« Pourquoi pas "de la culture et de l’Éducation populaire ?" » suggérait Francis Parny, devenu conseiller de Marie-Georges Buffet, ministre de l’Éducation à la Nouvelle éduc’pop. L’idée réconciliait les deux tendances du gouvernement. Le gouvernement Duflot/Mélenchon ne saurait être celui qui enterrerait le ministère de la Culture. On opta finalement pour un intitulé un brin amphigourique mais qui n’oubliait personne : ministère de l’Art de tous et pour tous, de la Culture, de l’Éducation populaire et de l’Internet citoyen". (MACEPIN).

Il fallait une autre tête pour contrebalancer le trés (trop) intellectuel ministre. Une excellente idée "Nommons Franck Lepage !" fut lancée par Marie-Georges Buffet, qui avait à se faire pardonner du trublion de la SCOP Le Pavé. Sceptique, les autres ricanèrent : Franck Lepage, qui avait consacré une grande partie de sa vie et son œuvre à conspuer ce ministère, n’accepterait jamais. Ils furent détrompés : un brin las de sa retraite en Bretagne, Franck Lepage ne dédaignait pas les honneurs et se racheta un costume de lin gris froissé. Même si les ors de la rue de Valois avaient été symboliquement délocalisés par le gouvernement à L’Académie Fratellini de St-Denis, pour montrer la prise en compte de la culture des quartiers.

"Pour un ministère de la Culture, il va y avoir du sport !" commenta Patrick Braouezec, sceptique (dont les mauvaises langues prétendaient qu’il avait lorgné ce ministère et s’estimait un peu à l’étroit, au ministère du Sport, justement. )

Du sport dans le tandem explosif Stiegler/Lepage, c’était un euphémisme. Le premier ne réussit à convaincre le second de ne pas couper tous les vivres aux institutions de l’art contemporain ("Ces relais de la mondialisation marchande de l’art et cache sexe de Pinault et Arnault !") qu’en nommant les Yes Men au Palais de Tokyo et le tandem Nicolas Frize/ Bernard Lubat à l’IRCAM, qui abriterait désormais un département "oralité, rap et slam". "Sacrilège ! qu’aurait pensé Vilar ?" gémissait la plume d’Armelle Héliot dans Le Figaro en apprenant l’arrivée de Jacques Livchine à la tête du festival d’Avignon et l’organisation de kapouchnik au Palais des papes.

Il y eut bien quelques frictions entre le nouveau conseiller aux Arts de la relation vivante, Nicolas Roméas, et la Présidente Anémone, dont il ne partageait pas le goût pour les fastes royaux. Mais il finit par accepter le principe d’une comédie royale chaque année à Versailles, lorsque son bras droit Edith Rappoport lui suggéra d’en confier la mise en scène aux 26000 Couverts. D’autant plus qu’il prenait sa revanche tous les 4 août, avec une Nuit de l’abolition des privilèges menée par Fantazio. Quant à la reconversion des casernes désaffectées en coopératives artistiques autogérées sous la houlette de Samuel Wahl, conseiller aux Zones de Chaos artistique et d’Autonomie politique – à moins que ce ne soit le contraire– elle inspira une tribune vigoureuse à Jean-Pierre Chevénement : "Le communautarisme artistique assassine la République !" tandis que Ségolène Royal hurlait au "désordre tout juste juste". Le ministre de l’Intérieur, Christian Picquet dut (discrètement) prêter main forte, en envoyant une force spéciale de la police de proximité protéger les Zones d’autonomie artistique contre les attentats annoncés du FNDP (4) qui avait pris le maquis.

Il n’empêche : la Révolution contre-culturelle et citoyenne était en marche.

Valérie de Saint-Do

1. Le Palais, pas la ville

2. "In Real Life"

3. Centre dramatique national

4. Front National de la Droite Populaire, les deux formations ayant fusionné après mai 2012.

 



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